Assise en tailleur, Nara réfléchissait à sa journée. Elle avait échoué.
Elle aurait du approcher l’Impératrice mais rien ne s’était déroulé comme prévu. Le fauteuil, réglé sur son humeur s’enclencha et la massa. Rageusement, elle se leva et le repoussa. Elle défit sa tunique et se mit sous le jet brulant de la douche.
L’eau chaude finissait à peine de s’écouler quand elle décida de
trouver un nouveau plan. Devant sa console, elle analysait toutes les
possibilités qui s’offraient à elle. Pendant une heure, elle nota tout ce dont elle pourrait se servir.
Un appel la dérangea. Elle répondit avec son ton habituel –à savoir le plus froidement possible – et demanda qui l’interrompait. Le conseiller
qui l’appelait lui demandait de faire transférer des fonds vers un commando. Nara le renvoya vers le trésorier. Elle raccrocha et fit rapidement une recherche sur ledit commando.
En lisant la description, Nara jubila. Le Lieutenant-colonel qui s’occupait du commando serait son tremplin vers l’Impératrice. Elle rappela le conseiller et conclut avec lui des sommes nécessaires. Elle finit la conversation en demandant quand aurait lieu sa rencontre avec le gradé. La réponse était simple : « il vous contactera ».
Nara se coucha nue dans son lit et se mit à imaginer quel genre d'homme pouvait bien être ce lieutenant-colonel. Elle s’endormit en pensant à lui.

Le commando était à quelques d’un départ pour une nouvelle mission. Quand Leroy l’avait contacté ce matin avait transféré un appel provenant d’un trésorier du Trône de Cristal, Darius fut surpris. Il avait rencontré l’Impératrice la veille et se demandait ce qu’elle pouvait bien vouloir. Mais en prenant l’appel, il avait constaté que cette affaire n’avait rien à faire directement avec l’Impératrice, outre peut-être qu’elle avait commandé cet investissement. Darius prit rapidement les coordonnées de l’investisseuse et affirma au trésorier qu’il la contacterait pour la rencontrer.

La soirée, déjà bien avancée, ne valait pas la peine d’être interrompue pour une question financière. Pour le moment, Darius avait tout ce dont il avait besoin; une chambre, du vin et trois femmes somptueuses qui avaient tenté de le déconcentrer de sa conversation avec le trésorier. Il était revenu à elles avec un grand plaisir et s’était promis d’appeler cette Khelp dès le lendemain.

Il ne le fit pas. Il préféra rappeler le trésorier. Il était midi et quart, il avait la bouche un peu empâtée et il n’était pas question qu’il règle une affaire de ce genre en donnant l’image d’un soldat bas de gamme. Il parla donc au trésorier et lui dit qu’il serait au pied du grand escalier dans le secteur administratif vers trois heures de l’après-midi. Le trésorier lui assura donc de fixer le rendez-vous avec madame Nara Khelp. Ce qui donna le temps à Darius de dégriser. N’ayant pas faim, il se força à manger sur la route, histoire de ne pas avoir le ventre vide, de ne pas faire attendre la dame. Il arriva à l’heure au lieu du rendez-vous, s’adossa à la rampe centrale et attendit. Ses petits yeux perçants scrutaient la place. Il n’avait jamais vu cette Khelp, mais il devina, lorsqu’une femme aux cheveux noirs entra dans le hall avec l’air de chercher quelqu’un, qu’il s’agissait d’elle. Il marcha vers elle et la salua formellement.

Nara salua assez froidement l’homme. Elle prit quelques secondes pour le détailler, il ressemblait plus aux fonctionnaires impériaux qu’à un homme de combat. Sa beauté ne faisait pas non plus penser à un soldat. Elle se maudit de ne pas s’être renseignée sur ce Darius avant de venir. Elle ne connaissait rien de son interlocuteur si ce n'est son grade et sa position vis-à-vis de l'Impératrice.
Elle regarda la foule autour d’eux. « Pouvons-nous aller ailleurs ? Je préférerais discuter en privé. ». Ils allèrent dans un café. En entrant, elle se sentit immédiatement mal à l’aise. Sa tenue contrastait avec les autres clients de l’établissement. Le gérant leur indiqua un carré où ils ne seraient pas dérangés.
Nara commença à peine le serveur repartir. « Nous pouvons surement nous entendre. J’ai de l’argent et vous avez quelque chose que je désire. Un simple échange de bons procédés ». Elle lui présenta ses demandes. Elle acceptait de dépenser une bonne partie de sa fortune contre un moyen pour approcher l’Impératrice. Et si possible, lui parler.
Le serveur revint, interrompant Nara dans son exposé. Il déposa quelques boissons et une corbeille avec des friandises sur la table. « Cadeau de la maison » avait-il dit avant de s’éclipser. Nara attrapa son verre, le descendit d’une traite et repartit sur ses explications : « J’ai déjà débloqué une grande partie des fonds que je comptais vous allouer. J’enverrai la confirmation du virement si vous acceptez. Je ne demande pas grand-chose. Qu’en pensez-vous ? ». Elle se resservit un verre et fixa Darius pendant qu’il reflechissait. Elle se sentait confiante mais elle préférait ne pas le laisser transparaitre. La confiance n'apportait que des ennuis.

Tout de suite après qu’il l’eut abordée, la femme lui proposa d’aller ailleurs. Il hocha la tête et la laissa le guider dans un petit café, où ils purent s’asseoir pour discuter tout à leur aise. En fait, Darius se demandait ce qu’il y aurait à discuter. La plupart des investisseurs le faisaient dans le simple optique de faire leur devoir de citoyen, d’autres exigeaient quelque chose en étrange. Parfois c’était un affichage de leur marque de commerce sur un de leurs chars, d’autres fois, c’était un service personnel, ou la promesse d’intervenir dans quelque chose plus tard. Certains investisseurs valaient la peine qu’on se méfie de ce qu’ils avaient à dire. Certains pouvaient vous endormir avec de longs discours pour tirer de vous ce qu’ils voulaient. Celle-ci semblait être de cette race.

Elle se lança dans un petit discours qui fit arquer un sourcil à Darius. Ce tic facial avait deux fonctions. La première, l’empêcher de se distraire sur autre chose, garder sa concentration sur ce que la femme avait à dire. La deuxième était simplement de manifester sa surprise. Approcher l’Impératrice ? Sans rien modifier de son attitude extérieure, il passa en mode suspicion, se demandant ce que cette femme pouvait bien vouloir à l’Impératrice. Après tout, il vivait pour servir et protéger l’Impératrice. Quelqu’un qui demandait ainsi à se rapprocher d’elle ne pouvait lui inspirer que de la défiance. Il accepta les friandises avec un hochement de tête en guise de remerciement mais ne fit pas un geste pour y toucher. Pas tout de suite.

« Je ne demande pas grand-chose. Qu’en pensez-vous ? »

Le lieutenant-colonel eut un petit rire. C’était sa première réaction explicite depuis le début de l’entretien. Et en fait, ça n’avait rien d’un petit rire. C’était un rire d’homme, bien bruyant.

« Pas grand-chose ? Bon dieu de bonnes femmes ! Elles croient qu’en claquant des doigts elles peuvent convaincre un homme de leur décrocher la lune. »

Il eut un silence. Sa mère lui aurait savonné la langue si elle l’avait entendu parler ainsi. Mais sa mère n’était pas là, fort heureusement.

« Vous n’auriez pas pu demandé qu’on vous débarrasse d’un gêneur, comme tout le monde. Non. Vous, vous ne demandez rien de moins que l’Impératrice. »

Il appuya son index sur la table.

« Je vais vous dire un truc, ma petite dame. Aussi impressionnante que puisse être votre offre, vous avez besoin d’avoir de sacrées bonnes raisons à me donner pour que je vous aide à approcher l’Impératrice. Et vous avez besoin d’être clean, surtout. »

Il choisit ce moment pour tendre la main et piocher une poignée de petites bouchées sucrées dans le panier.