Il marchait, son grand bras entourant la tête de la jeune fille, et ne semblait pas fatigué le moins du monde. Ils allaient enfin arriver à ce moment tant redouté. Qu’allait t-il advenir d’eux ? Seraient-ils acceptés ? Seraient-ils à la hauteur ? Sengar aurait pu regarder sa carte, aller tranquillement avec sa fille en déambulant dans les longs couloirs jusqu’au sas. Mais la foule qui se dressait devant eux et qui cherchait aussi à sortir de Xion les conduisait vers leur objectif. Nayel soupira, comme si le fait d’aller vers un nouvel avenir la remplissait d’ennui ou de crainte. Son père s’en aperçut mais ne tenta rien pour changer quoi que ce soit. Il savait qu’elle avait peur des réactions des humains non robotisés. Qu’importe. Chacun pensait ce qu’il voulait. Ce n’était pas à lui de choisir qui devait être quoi. La plupart du temps, il avait eu affaire à des personnalités pro-humaines ou pro-cyborgs. Quelle perte de temps. L’Humanité ne pouvait se déchirer sur des thématiques telles que la soi-disant pureté de l’Homo Sapiens alors que tant d’autres conflits existaient. Mais que pouvait signifier son avis ? Rien. Alors il ne dit rien. Nayel commença à se dégager du bras de son père et courut rejoindre deux de ses amis. Il la regarda s’élancer vers eux avec un air attendrissant, le dernier qui lui restait depuis qu’il était divorcé. La vie était triste sans sa femme. Il avait longtemps pensé à ne pas se faire greffer de prothèses cybernétiques mais il n’aurait rien pu faire. Et elle l’avait quitté pour des idées où l’apparition de membres non naturels était quelque chose d’innommable…

Soudain, des murmures commencèrent à s’élever puis des grognements et des cris. Visiblement, leur arrivée n’était pas quelque chose d’appréciée. Sengar avança un peu plus rapidement, prenant des enjambées plus importantes sans lui causer le moindre essoufflement. Il s’arrêta alors autour d’un cercle qui regardait deux hommes se battre. Deux « Hommes » se rouaient de coups. Ou plutôt, aucun cyborg ne tenait en lieu et place de combattant. C’aurait pu être plus grave. Néanmoins, le cybermotricien ne s’attarda pas sur ces pensées et avança, dégageant les deux hommes de leur étreinte combattive. Il repoussa chacun des deux de leur côté respectif et dit d’une voix grave :

« Je dois être stupide, ou bien aveugle, mais j’ai cru voir deux hommes qui se battaient. Et je dois avouer que je trouve ça idiot. Je me fous de savoir la raison, ni qui a donné le premier coup. Je me fous de savoir qui vient de tel endroit, si l’un vient d’Uros et l’autre de Xion. Regardez autour de vous ! dit-il en pointant son doigt sur la foule. Comprenez l’image que vous donnez à nos amis, nos frères, nos enfants. Ne soyez pas engoncés dans votre ridicule existence. Vous n’en paraîtrez que plus idiot. Et maintenant, l’un comme l’autre, retournez à vos affaires ! »

L’homme qui venait, d’après ce qu’il avait compris en les entendant s’insulter, de Xion, lui tourna le dos et partit plus loin avec sa famille. L’autre n’avait pas la même compréhension et ne connaissait pas la petite réputation de Sengar. Dommage. Il s’avança vers lui et nullement impressionné par sa taille, lui envoya un coup de poing vers son plexus. Le cyborg le reçut, ne se doutant pas de ce que l’homme allait faire et ce dernier continua de rouer de coup son adversaire. Le cyborg sentait la pluie de poings et se décida à se protéger. Il se protégea avec son bras droit et l’autre frappa dedans. Il hurla de douleur suite au craquement sinistre de son poing sur le bras en acier. Puis il recula, le visage tordu de douleur et tomba à genoux. Sengar se releva et regarda l’homme. Puis il le prit par le bras et le releva. Il le jeta ensuite en douceur vers ses camarades. Et il repartit lui-même vers la foule.
Une femme de Xion s’approcha en tenant une petite trousse de soins et entreprit de panser les blessures du cyborg. Il aurait pu laisser les nano-robots présents dans son corps le guérir mais il accepta le geste de la dame et attendit.

Pendant ce temps, les gens s’étaient dispersés et Nayel revenait vers lui. Au-dessus d’eux, des écrans s’allumèrent pour demander à la population de rester calme et en les invitant à découvrir Uros. Une fois que la femme eut terminé, le cyborg et sa fille continuèrent leur avancée.

Lieu : Lutia / Heure : 20 : 16

« C’est génial ! Regarde tout cela ! On se croirait presque dans un milieu naturel ! Mais regarde ! » s’écria Nayel tout en regardant son père.
Sengar sourit. Que pouvait-il faire face à son petit ange ? Nayel était sa fierté, sa seule raison de bouger sa carcasse. Il savait qu’il serait tombé dans l’alcool sans elle. Ou pire. Alors il avait continué de travailler, avait obtenu la garde de sa fille, l’avait élevée, éduquée, habillée, nourrie. Et dorénavant, il avait devant lui une jeune fille charmante, intelligente et gentille qui ne se passait pas de son papounet chéri. Que pouvait-il demander de plus ?
Il le savait, il était chanceux. Et désormais heureux. Plus ou moins. Continuant leur promenade, suivis de d’autres habitants du Xion, ils s’attardèrent sur les élevages de l’endroit puis continuèrent. Ils entendirent aussi des hommes qui devaient s’entraîner durement.

* C’est un endroit qui reste visiblement contrôlé par les militaires. Quelle présence oppressante. L’Uros n’est peut-être pas l’endroit si doux et agréable qu’on a voulu nous le faire croire. Enfin… J’espère me tromper… *

Le père et sa fille partirent tranquillement. Il n’était pas si tard mais le temps de revenir sur Xion, de dîner et de profiter d’une soirée amplement méritée, le temps passerait bien vite. Sengar fit jouer les articulations mécaniques de son bras droit puis celles de sa main gauche tout en avançant. Il tendit la main gauche vers son poignet droit et activa sa carte. Un petit rectangle holographique s’afficha et indiqua à l’homme où il se trouvait et où était la sortie la plus proche. Il se dirigea vers celle-ci, la carte toujours allumée. Deux hommes passaient près d’eux et l’un s’arrêta pour dévisager le père et sa fille. Il chuchota à l’oreille de son ami et interpella le cyborg.

* M****, encore un abruti qui ne supporte pas que nous puissions être là… *

« Hé, mec ! T’es un cyborg ?! La classe ! On nous a dit que c’était mal, qu’on devait vous ignorer mais vous avez l’air trop bien. Ca sert à quoi tout ça ? » Désigna le premier en regardant les prothèses de Sengar.

« Tout ça me sert à vivre correctement et à travailler dans les meilleures conditions possibles. Excusez-moi, jeunes gens mais nous devons partir. Même si nous sommes « différents » nous avons aussi des vies.

Oh oui, bien sûr ! Excusez-nous, m’sieur ! Bonne soirée et bon séjour ici ! »

Le second garçon décocha un clin d’œil à Nayel et cette dernière rougit. Père et fille partirent alors et se hâtèrent de rejoindre le vaisseau. Même pas une journée ici et il était déjà établi qu’une partie de la population ne les aimait pas. Génial. Retournant chez eux, le cyborg soupira.

* Génial… *